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Thursday, July 9, 2020

Le grand retour du ministère de la Mer - Le Point

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« Le XXIe siècle sera maritime », avait annoncé Emmanuel Macron en décembre dernier aux Assises de la mer. Et d'ajouter, le 14 juin, que la reconstruction économique du pays passerait notamment « par l'accélération de notre stratégie maritime ». Car avec ses 11 millions de kilomètres carrés d'espace marin, la France est la deuxième puissance maritime mondiale. Pourtant, le ministère de la Mer, créé pour la première fois en 1981, s'est souvent transformé en secrétariat d'État ou a été rattaché à d'autres ministères, comme l'Écologie ou les Transports. Dernier ministre de plein exercice : Jacques Mellick en 1991. Depuis 2017, le portefeuille avait même disparu. Mais lundi, l'Élysée a annoncé sa renaissance, avec Annick Girardin à sa tête.

Pour Julia Tasse, spécialiste des milieux marins au pôle Énergie, climat et sécurité de l'Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), ce retour en force est loin d'être un hasard. Depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron, le secrétariat général à la Mer, rattaché au Premier ministre, a exprimé sa « volonté de renouveler la stratégie française » et les acteurs du secteur ont appelé à une présence plus forte de la France. Une décision logique pour Sylviane Llinares, professeure d'histoire maritime et chercheuse pour le CNRS, puisque les océans sont un lieu stratégique. « Il est nécessaire de prendre en considération les enjeux maritimes pour les années à venir, et c'est donc un signe fort envoyé par le gouvernement. »

Les territoires maritimes français abritent en effet 10 % de la biodiversité mondiale

L'appellation « ministère de la Mer » est assez large pour englober aussi bien des questions économiques que militaires, écologiques ou diplomatiques. À la fois une bonne et une mauvaise nouvelle, puisque l'administration devra faire des choix. Paul Durand, maître de conférences au département de Géographie de Paris-I, veut y voir une « volonté de prendre en compte les enjeux écologiques ». Car ce spécialiste des littoraux et de la gestion des risques considère que la mission la plus importante d'un tel ministère doit avant tout être celle du développement durable. « Nous devons réussir à concilier l'activité économique et la préservation de l'environnement. » Les territoires maritimes français abritent en effet 10 % de la biodiversité mondiale. « Ce n'est pas le sujet principal, mais c'est à la mode », estime Olivier Aranda, doctorant en histoire maritime à Paris-I. Plus que l'aspect écologique, le ministère de la Mer devrait d'ailleurs mettre en avant l'aspect économique des territoires marins, d'après Julia Tasse.

Sur le terrain, le manque de concertation et le trop grand nombre de décisions prises sans consultation des acteurs posent problème. Bien qu'il existe déjà une gestion intégrée des zones côtières, elle engage encore trop souvent des projets sans véritable concertation. « Il faut faire en sorte qu'ils se parlent », lance Paul Durand à propos des acteurs du littoral. Il donne l'exemple d'un projet de construction d'un port de plaisance en Vendée, sur un site naturel classé. Entre les décisions contradictoires des commissions d'enquête, des autorités environnementales et du PLU, la ville de Bretignolles-sur-Mer voit s'affronter ses habitants via associations interposées. Et ce n'est pas un cas isolé. Dans l'Aude, à Port-la-Nouvelle, la région Occitanie souhaite agrandir et transformer le port. Un projet qui déchaîne les passions et a vu se mobiliser de nouveaux acteurs, notamment associatifs, au fur et à mesure. L'utilité d'un ministère de la Mer sera, donc, surtout de donner une impulsion et de mettre les différents acteurs autour de la table, pour ces chantiers, comme pour d'autres. Grâce à la mise en place systématique de comités de pilotage, par exemple, qui favoriseraient la concertation autour d'un projet. Julia Tasse va plus loin : il faut non seulement consulter mais aussi éduquer. « L'intérêt d'un ministère de la Mer réside dans une force dynamique qui permettra aux acteurs de prendre conscience de leurs impacts cumulés. » Sans concertation, difficile de se rendre compte de l'impact global de toutes les activités sur les milieux naturels. Sur les côtes, par exemple, où les professionnels des différents secteurs de l'économie sont trop rarement en contact : tourisme, pêche, transports commerciaux… Sylviane Llinares insiste également sur le rôle de la Marine nationale, qui agit sur un champ très large, allant de la surveillance du trafic maritime à la protection de l'environnement.

Un ministère pour ne pas insulter l'avenir

Pour Olivier Aranda c'est « un ministère pour ne pas insulter l'avenir ». Car les fonds marins abritent ce qui pourrait être les ressources du futur : minerais, métaux rares, mais aussi énergies renouvelables (éolien offshore, hydroliennes). « C'est autant de possibilités qui viennent nuancer la finitude de nos ressources », ajoute-il. La mer pourrait donc devenir le nouveau « front pionnier » de la France. Un investissement pour l'avenir qui pourrait s'avérer payant puisque la France est le seul pays au monde possédant des territoires sur les cinq continents et sur onze fuseaux horaires.

Mais c'est aussi une décision symbolique, puisque ce ministère met en avant la puissance mondiale de la France. Stratégique, à l'heure des revendications de Madagascar sur certaines îles de l'océan Indien ou de la pêche illégale en Guyane. « C'est autant un signal envoyé aux acteurs qu'un outil de l'image de la France », résume Julia Tasse. D'autant que les prérogatives ne seront sans doute pas innovantes, estime-t-elle. Le ministère devrait récupérer des responsabilités jusqu'alors dévolues à d'autres. Mais il faudra encore attendre pour être renseigné sur les périmètres et le budget alloué, deux éléments essentiels pour connaître le champ d'action du ministère. Paul Durand craint également que ce ne soit qu'un poids en plus d'un point de vue administratif. Il aurait plutôt vu une délégation spéciale pour les espaces marins au sein du ministère de l'Écologie. Il s'interroge d'ailleurs sur les relations entre les deux ministères. « Vont-ils travailler ensemble ? »




July 10, 2020 at 01:30AM
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