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Thursday, July 9, 2020

Maud Fontenoy et Guillaume Néry : laissons respirer la mer - Paris Match

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Maud Fontenoy, navigatrice militante, et l’apnéiste Guillaume Néry s’accrochent au rêve d’une planète plus bleue. Extraits de notre interview. 

Paris Match. Au rythme de pollution actuel, il y aura, en 2050, autant de plastique que de poissons dans les océans. Vous deux, à la fois activistes et défenseurs de la mer, pensez-vous que le temps des mesures radicales est venu pour protéger ce qui constitue 71 % de notre planète ?
Maud Fontenoy. Quand je me suis lancée dans le tour du monde à la rame, j’ai décidé de me déposséder de tout. C’était mon choix. L’expérience du confinement, non voulue, aura peut-être été une opportunité pour réévaluer les priorités de chacun. Or, la problématique des détritus en découle. Car ce sont nos déchets. Six millions de tonnes rejetées à la mer chaque année. On en voit les aspects physiques : les plastiques qui flottent. Moins ce que l’on appelle les “marées blanches” : les pesticides, les médicaments et notamment les antibiotiques, qui rejoignent la mer également. Maintenant, il faut faire face aux problèmes : qu’est-ce que je consomme, comment et pourquoi ? Faudrait-il une loi pour interdire le plastique ? On le souhaiterait tous, mais il faut envisager des alternatives. Proposer une solution de substitution, pour que le problème ne devienne pas pire ensuite.

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Guillaume Néry. Ça commence effectivement par un travail individuel. J’ai conscience que ce réflexe, maintenant infusé en Occident, reste une préoccupation que n’ont pas des milliards de gens. Car ils n’ont pas les moyens de penser “à ça”, quand leur quotidien c’est d’abord survivre. Pour autant, au-delà de la prise de conscience individuelle, il devrait y avoir une responsabilité “supérieure”, notamment sur ce qu’il est facile de mettre en œuvre rapidement. Il y a énormément de plastiques superflus, dont on pourrait très vite se passer. Face à une urgence, il faut être capable de décider clairement. A l’image de certaines municipalités comme San Francisco, qui a banni l’usage des sacs en plastique depuis dix ans et interdit maintenant la vente des bouteilles d’eau dans les aéroports, il faut savoir trancher de manière beaucoup plus radicale. Toutes les études scientifiques nous alertent du drame qui est en train de se jouer. On a un intérêt commun et universel : celui du vivant. Il est en train de disparaître. Dans tous les milieux. Et si le vivant disparaît, c’est, à terme, notre présence sur la planète qui est en jeu.

Faut-il aller vers des solutions “à la Greta Thunberg” et envisager une certaine… décroissance ?
M.F. Chaque être humain ingurgite par semaine 5 grammes de plastique. L’équivalent d’une carte bancaire. Ce n’est pas simplement un problème esthétique, quand on se promène. D’ailleurs, depuis le 11 mai, on voit des masques chirurgicaux abandonnés partout sur nos plages. En thermoplastique très dense, ils mettront plus de quatre cents ans à se dégrader. Il faut arrêter ça ! Et bien comprendre que, chaque fois que l’on parle de préservation de l’environnement, ce ne sont pas simplement les “lubies” de gens comme Guillaume et moi, qui aimons particulièrement la mer. Ce sont des citoyens qui, en travaillant avec les scientifiques, ont compris que c’est tout le vivant, donc nous, qui est en danger. Heureusement, on sent qu’il y a désormais une réelle prise de conscience au sein de la jeune génération, celle qui fera le monde de demain. Pour autant, je ne suis pas du tout pour une décroissance, mais pour une écologie pragmatique et réaliste. Consciente du fait que nous, Français, sommes des privilégiés. Pour beaucoup de gens dans le monde, la croissance, c’est aussi l’accès à l’éducation, à l’eau, à la nourriture, à la santé… Il serait malvenu d’adopter, d’un claquement de doigts, des mesures à l’échelle mondiale. Mais les pays riches doivent être exemplaires. Et apporter, clés en main, des solutions pour les pays en voie de développement.

G.N. La principale cause de l’impasse écologique où nous sommes, c’est l’ultra-développement de l’Occident. Quand on regarde la consommation des personnes dans les pays en voie de développement, et plus encore dans les pays pauvres, son impact n’est en rien comparable avec le nôtre. Parler de décroissance, ce n’est pas pour moi un gros mot. Plutôt un changement de logique. Car lorsqu’on parle de “croissance verte” ou de “développement durable”, je suis dubitatif. Ne serait-ce pas, au fond, un moyen pour nous, Occidentaux, d’envisager un moindre mal pour garder nos privilèges ? Malgré l’accord de Paris, il y a près de cinq ans, pas un seul indicateur ne laisse à penser qu’on est en train d’infléchir le cours de la destruction. Il faut une crise comme aujourd’hui, le monde à l’arrêt pendant deux mois, pour que l’on stabilise nos émissions. D’une certaine manière, on voit l’efficacité de la radicalité. Produire de l’énergie plus verte, mais pour quoi ? Pour alimenter, finalement, du superflu… La décroissance peut amener une réflexion concrète sur l’essentiel.

Retrouvez la suite de cette interview dans Paris Match en vente mercredi 8 juillet

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July 09, 2020 at 11:25AM
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