Le nouveau navire de la Corsica Linea a effectué sa première traversée Marseille-Bastia avec 308 passagers à son bord. Une nouvelle histoire commence
Bienvenue a bord de A Nepita pour son voyage inaugural. Les conditions météo sont excellentes. La traversée sera confortable.« C'est par ces mots que le commandant Jean-Emmanuel Mallein, 45 ans, a accueilli depuis la passerelle, mardi soir à Marseille, ses 308 passagers à destination de Bastia. Avant, selon la procédure classique, d'inviter ceux-ci à prendre connaissance des consignes de sécurité en vigueur.
Le nouveau navire larguera les amarres quelques minutes plus tard, à peine passé 20 heures. Au moment de quitter son poste à quai, il fera retentir sa corne de brume à plusieurs reprises, pour saluer le port et pour rappeler aux petits voiliers la nécessité de s'écarter de sa trajectoire. Il quittera ensuite la passe et s'acheminera lentement vers le large alors que des rayons de soleil illuminent encore le château d'If à sa droite. Le Jean-Nicoli fera route quelques miles durant à ses côtés avant de virer de bord et de mettre le cap sur Ajaccio. Le moment de connivence, face à l'horizon, dans la rade de Marseille est symbolique d'une histoire qui débute et dont les prémices sont apparues, il y a quelques mois déjà.
Irlande et Angleterre
Ils renvoient, d'emblée, à un impératif de développement pour la compagnie puis à une prospection rigoureuse et fondée sur une connaissance approfondie du marché de l'affrètement. « Nous avions la conviction qu'il nous fallait un nouveau navire. C'est pourquoi, nous sommes entrés en contact avec différents armateurs », résume Pierre-Antoine Villanova, directeur général de la compagnie.
Philippe Stillan, chef de projet GNL et Romain Chappel, directeur de la flotte, travaillent avec lui sur le sujet. La phase de prospection durera un an. « Au final, notre choix s'est porté sur ce navire qui est de très bonne facture. Il a été conçu dans des chantiers navals allemands pour naviguer en Europe du Nord. Il est, en outre, classé glace, ce qui signifie une coque renforcée », détaille le chef de projet. Les constructeurs ont assuré au bateau un bon départ dans l'existence maritime. Les conditions d'exploitation mise en place par Stena, l'armateur européen dont la notoriété est solidement établie, prolongeront cette logique.
Le bâtiment, qui porte alors le nom de Superfast X et relie l'Irlande à l'Angleterre, dispose d'un autre atout essentiel, son gabarit et surtout ses proportions. « Notre préférence va à des unités dont le nombre de cabines n'excède pas 200 et dont la capacité s'établit autour de 800 passagers. Dans notre modèle, l'espace garage est un autre élément déterminant. C'est le principe du cargo mixte », poursuit le directeur général.
Il restera ensuite à négocier un contrat d'affrètement longue durée, à y inclure une clause stipulant la possibilité pour la Corsica Linea de procéder à divers aménagements puis à préparer l'étape suivante. Elle correspond à la constitution d'une « équipe projet » composée autour du commandant, d'officiers et de personnels d'exécution.
Chantier naval grec
Dans la foulée, Jean-Emmanuel Mallein découvre son futur navire. L'Irlande fixe le décor. Laurent Delos, chef mécanicien, Nicolas Chatot, second capitaine et Sébastien Bert, second mécanicien, sont présents, à ses côtés, sur les docks. « La première fois que nous avons vu le bateau, c'était à Dublin, en février 2020. Il était toujours en exploitation », expliquent-ils. À l'époque, son équipage est anglais et Brian Slater est le seul maître à bord. « Nous étions là en qualité d'observateurs. Trois jours durant, nous nous sommes intéressés à la manière dont ces personnels travaillaient. »
Quelques semaines plus tard, les officiers de la Corsica Linea retournent à bord, à Belfast cette fois. Ils embarquent pour une traversée de dix jours. Jusqu'au Pirée, en Grèce. Les Anglais restent à la manœuvre. Le temps de la navigation sera aussi celui des confidences entre gens de mer et de l'expérience de terrain, contre vents et marées. Car à ce moment de l'année, le golfe de Gascogne est prêt à exploser de colère et de houle vertigineuse. « Nous avons été confrontés à des creux de cinq mètres. Le bateau est bien passé. Ce qui était un bon signe. »
Jean-Emmanuel Mallein a gardé à l'esprit les récits du bosco anglais. « Il est venu me voir pour me dire : 'Avec ce bateau, vous ne risquez rien.' Il est passé par tous les temps. Quand les autres étaient cloués à quai, lui, il y était. Je pense que nous pouvons faire confiance à ses souvenirs », raconte-t-il. La crise sanitaire, le confinement modifieront la suite du programme. « Le Covid nous a éloignés du navire pendant quelques semaines. Nous en avons profité pour régler des questions administratives. » Le 12 mai, dès l'amorce de la sortie de confinement, le commandant, le second capitaine, le chef mécanicien et son second se retrouvent dans un TGV en partance pour Bruxelles.
« De là, nous avons pris le seul avion à destination d'Athènes. Nous étions avec des rapatriés grecs », poursuit-il. À la descente de l'appareil, les représentants de la Corsica Linea sont accueillis par des agents de police grecs. « Ils nous ont fait monter dans un autocar qui nous a amenés dans un hôtel où nous avons passé une partie de la quatorzaine. La suite s'est déroulée dans une petite maison proche d'Athènes », reprend-il.
Jusqu'au moment des retrouvailles tant attendues. Elles se déroulent au chantier naval de Perama. « Nous avons pu voir le bateau. » Le changement d'apparence est net. Le Superfast a été repeint en rouge de la coque au pont. Des modifications d'envergure ont été apportées aux locaux passagers. Elles correspondent à la création de cabines standards, et de quatre suites de 20 m2 chacune, à un salon fauteuil de 83 places. L'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite a été reconsidérée. Tout le monde doit pouvoir embarquer à bord.
Écologie et confort
Le cargo mixte est devenu plus soutenable sur le plan environnemental grâce à l'installation de scrubbers ou nettoyeurs de fumées. Les émissions de soufre et d'azote sont ramenées à 0,1 %, soit cinq fois mieux que la réglementation en vigueur. Il est désormais prêt à changer de mains et à partir à la conquête de la Méditerranée entre Corse et continent. Il file vers son nouvel horizon le 9 juin. La livraison est assurée par la Stena.
« La traversée depuis la Grèce a duré deux jours. Nous étions toujours considérés comme observateurs », explique Jean-Emmanuel Mallein. L'armateur choisit de faire le grand tour par la Sicile au lieu de couper par le détroit de Messine puis les Bouches de Bonifacio. « Nous sommes donc remontés bien au large de la Corse. De fait, nous n'avons pas pu saluer Ajaccio, comme nous l'avions envisagé. » Le Superfast accoste à Marseille le 11 juin au matin.
Au programme de la journée, inspections et autres contrôles approfondis. Des sociétés de classification, les affaires maritimes, la direction des transports et les douanes passent à l'action. Vingt-quatre heures plus tard, le Superfast est devenu A Nepita et Corsica Linea. Changement d'identité accompli et première étape administrative décisive franchie. « Dès le 11 au soir, j'avais hissé le pavillon français », se souvient volontiers le commandant. La métamorphose ne fait que commencer.
Corsisation par étapes
Elle prend des formes variées et mobilise de nombreux acteurs. Pour certains, comme pour Laura Casanova, étudiante en alternance en master II au sein de l'institut d'administration des entreprises (IAE) à Corte, le défi à relever possède une dimension très personnelle aussi. « J'étais chargée de la signalétique ou comment accompagner et orienter le client tout au long de sa traversée avec des panneaux conformes à la charte couleur et graphique de la Corsica Linea, en vigueur sur l'ensemble des navires de la flotte. Il s'agissait du premier projet que je menais toute seule, même si ma responsable n'était jamais loin », explique-t-elle, avec satisfaction.
La stratégie à suivre sera aussi virtuelle. « Quel que soit le navire, un de nos objectifs est de préparer la visite du client à bord. Nous avons donc adapté le parcours e-mail en vigueur, à A Nepita. Le passager avant d'embarquer découvre les installations, la carte du restaurant, par exemple. Il était nécessaire que le système fidélité soit opérationnel », explique Anaïs Orsini, chef de projet marketing digital et fidélité.
Pour Stéphane Rocca Serra, responsable hôtellerie-restauration au sein de la compagnie, la corsisation et l'intégration du Superfast à la flotte passent par la carte du restaurant et la formation des équipes qui œuvrent en cuisine.
Il y a différentes manières de s'approprier le navire, à travers l'esthétique, l'espace, les nouvelles technologies, le marketing, la gastronomie, mais aussi en prenant la mesure de sa dynamique propre, lors des essais en mer.
« Nous avons profité notamment du bon mistral qui soufflait le 21 juin », commente le commandant. Le verdict est sans appel. « C'est un super bateau qui a l'avantage d'assurer ses manœuvres seul, sans l'appui d'un remorqueur, sous un vent soutenu. »
Avec en plus une « belle ligne, une allure racée » et juste ce qu'il faut de voilure pour aller chercher le vent. Autant de caractéristiques qui signifient un confort optimal pour les passagers. A Nepita fend la mer en silence et sans la moindre vibration.
June 26, 2020 at 11:47PM
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VIDEO. Liaisons Corse-Continent : A Nepita prend la mer - Corse-Matin
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